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Savoir admettre ses erreurs est signe de grandeur !

« Everyone is entitled to his own opinion, but not to his own facts. »

La situation autour du Plan d’aménagement général (« PAG ») de la Ville d’Esch-sur-Alzette devient de plus en plus cocasse. Il faut souligner qu’il ne s’agit nullement de simples « Unklarheiten »[1] entourant le PAG, mais de sérieux problèmes juridiques.

Si on peut certainement discuter et argumenter sur le volet urbanistique d’un PAG, il faut noter que le cadre légal dans lequel un PAG doit être élaboré est clair et précis ; c’est la loi et rien que la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ainsi que ses divers règlements d’exécution.

Jetons donc un coup d’œil sur les arguments avancés par les responsables de la Ville d’Esch-sur-Alzette, afin de justifier les passages critiques dans leur projet de PAG :

1. « Ne pas interdire, mais réglementer »

À plusieurs reprises, des responsables de la commune ont déclaré : « Nous ne voulons pas interdire les cohabitations, nous voulons les réglementer. »[2] Mais il faut noter que l’Annexe II de la partie écrite du PAG rend les cohabitations de facto impossibles dans une maison unifamiliale à Esch-sur-Alzette.

Au vu des engagements fixés dans l’accord de coalition de la majorité communale d’Esch-sur-Alzette – « Des initiatives locales et régionales pour d’autres formes de vie (…) sont promues. »[3] -, cela semble d’autant plus étrange et contradictoire.

Qu’il s’agisse maintenant d’une règlementation ou d’une interdiction, il est tout simplement non-permis de mettre de telles règles dans un PAG !

À cet effet, nous voudrions souligner, comme nous l’avons d’ailleurs déjà fait à maintes reprises dès le début de notre intervention, qu’un PAG « est un ensemble de prescriptions graphiques et écrites à caractère réglementaire qui (…) couvrent l’ensemble du territoire communal qu’elles divisent en diverses zones dont elles arrêtent l’utilisation du sol. »[4]

Ni plus, ni moins.

2. « Cafészëmmer »

Le Bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette a annoncé, à plusieurs reprises[5], que la règlementation concernant les cohabitations serait motivée par sa lutte contre « la prolifération des chambres meublées non conformes et insalubres »[6], phénomène connu au Luxembourg sous le nom de « Cafészëmmer ».

Dans sa conférence de presse du 30 juin 2020, le Bourgmestre a annoncé que la loi du 20 décembre 2019 relative aux critères de salubrité, d’hygiène, de sécurité et d’habitabilité des logements et chambres donnés en location ou mis à disposition à des fins d’habitation (ci-après la « loi de 2019 ») ne serait pas adaptée à la réalité du terrain[7].

Toutefois, Monsieur le Ministre du Logement a écrit dans sa réponse à une récente question parlementaire : « Le Ministre du Logement est d’avis que la loi précitée du 20 décembre 2019 (…) règle, à l’heure actuelle, à suffisance les critères de salubrité, d’hygiène, de sécurité et d’habitabilité des logements et chambres donnés en location. En effet, ce dispositif a été élaboré en étroite collaboration avec les communes les plus concernées par le phénomène des « chambres meublées » ».[8]

En plus, notons que lors du vote au sein de la Chambre des Députés, en date du 10 décembre 2019, l’honorable Député Monsieur Georges MISCHO a encore voté en faveur de cette loi. Une loi dont il a été, en ses fonctions de Député respectivement de Bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Alzette, étroitement impliqué dans l’élaboration.

Maintenant, seulement quelques mois plus tard, Monsieur Mischo déclare que cette loi est insuffisante et inadaptée ; cela nous semble douteux !

D’autant plus que la loi de 2019 permet au Bourgmestre de procéder au contrôle des critères de salubrité, d’hygiène, de sécurité et d’habitabilité. Constatant des irrégularités, le Bourgmestre peut procéder à la fermeture des locaux et l’exploitant ou le propriétaire doit reloger les locataires.

Si jamais il s’avérerait, dans la pratique, que la loi de 2019 ne serait pas adaptée, il reviendra au législateur national de l’adapter.

Peut-être les honorables Députés MISCHO et KNAFF pourraient déposer une proposition de loi afin de pouvoir discuter cette problématique à la Chambre des Députés, le lieu auquel de telles problématiques d’envergure nationale devront être traitées. 

Cette proposition est faite sous réserve que la loi de 2019 ne soit plus adaptée à la réalité du marché locatif de 2020 ce qui reste amplement à prouver selon l’opinion du Ministre du Logement.

3. « Faire quelque chose contre la flambée des prix »

Dernièrement, les responsables de la commune ont annoncé qu’avec ce PAG, ils lutteraient contre la flambée des prix immobiliers et des loyers – une cause louable.

Néanmoins, il faut noter que la cohabitation est, pour beaucoup de jeunes, non seulement un mode de vie qu’ils choisissent par simple courtoisie ou plaisir, mais c’est l’unique moyen permettant à ces gens de se financer la vie dans une petite maison avec jardin.

Dans un article paru cette semaine[9], des personnes concernées ont exposé que, contrairement aux arguments exposés par les responsables de la commune, une interdiction des cohabitations au sein des maisons unifamiliales ne rendrait les coûts de logements que plus chers ! Reprenant l’exemple de cet article : cinq personnes vivent ensemble au sein d’une maison à Esch-sur-Alzette et paient un loyer de 2.800 Euro en total, donc 560 Euro par personne. Dans le même article on peut lire que pour un seul petit studio ils ont dépensé 1.300 Euro au passé !

Toutefois, selon l’Annexe II de la partie écrite du PAG, une cohabitation entre personnes n’ayant pas de lien affectif est illégale. 

En proposant un PAG qui n’autorise la cohabitation au sein d’une maison unifamiliale uniquement dans le cas où les habitants soignent un « lien affectif » entre eux, ou pour le dire avec les mots de Monsieur Mischo – « Wann ee mat engem geet »[10] -, le Bourgmestre fait signe d’une idéologie archaïque et rétrograde. Heureusement, selon les lois de ce pays, ce n’est pas cette cohabitation qui est illégale, mais, au contraire, c’est le PAG de la Ville d’Esch-sur-Alzette qui l’est manifestement comme susmentionné !

Cependant, nous voudrions, en même temps, souligner notre support aux responsables de la commune. Nous, les signataires de cette lettre, soutiendront tous leurs efforts dans la lutte contre la flambée des prix immobiliers posant une menace inédite à la paix sociale dans notre pays, sous condition que les mesures aient véritablement un impact positif. Les projets « Roud Lëns » et « Schmelz Esch-Schëffleng » seraient idéaux pour débuter ensemble cette lutte contre l’urgence sur le marché immobilier !

Dans une interview[11] parue en 2017, Monsieur Mischo, en tant que bourgmestre et donc de facto porte-parole de la majorité au sein du conseil communal, a proclamé que :

 « Meine Entscheidungen sind gewiss nicht immer richtig. Deshalb hätte ich auch gerne, dass Entscheidungen erst getroffen werden, nachdem viele Meinungen gehört wurden. »

Ayant entendu l’opinion de Madame la Ministre de l’Intérieur, de Monsieur le Ministre du Logement, les avis de la cellule d’évaluation, l’avis de la commission d’aménagement … la conclusion devrait être évidente – le PAG dans sa version actuelle soulèverait de sérieuses questions juridiques ou disons-le clairement : il est illégal.

Donc, en nous adressant directement au Bourgmestre et au Conseil des échevins de la Ville d’Esch-sur-Alzette, nous vous demandons de modifier le PAG et d’abolir ces règlements discriminatoires !

Steve Faltz, Max Leners, Sacha Pulli et Claude Roeltgen


Tageblatt: https://www.tageblatt.lu/meinung/forum/savoir-admettre-ses-erreurs-est-signe-de-grandeur/?fbclid=IwAR2gWVc-NuAWCpDzgwZjN37PNu-rEA2rMib-xZLP7BJ8eG-yWWnyZlItY0o


[1] « Diese und andere « Unklarheiten » sind laut Bürgermeister Mischo der Grund für die Pressekonferenz », Tagbelatt du 1er juillet 2020, page 19.

[2] « Wir wollen die WG’s nicht verbieten, sondern sie reglementieren », Luxemburger Wort du 16 juin 2020 page 24.

[3] « Lokale und regionale Initiativen für andere Wohnformen (…) werden gefördert », Koalitionsabkommen der Fraktionen CSV, Déi Gréng und DP für die Stadt Esch-sur-Alzette für die Mandatsperiode 2018 bis 2023, page 11.

[4] Article 5 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

[5] Luxemburger Wort du 16 juin 2020, page 24 ; Tageblatt du 1er juillet 2020, page 19.

[6] Communiqué de presse de la Ville d’Esch-sur-Alzette du vendredi 12 juin 2020.

[7] « Das Gesetz des Parlaments geht uns in der Hinsicht nicht weit genug », Tageblatt du 1er juillet 2020, page 19.

[8] Réponse commune de Madame la Ministre de Tlntérieur, Taina Bofferding, et de Monsieur le Ministre du Logement, Henri Kox, à la question parlementaire n°2410 des honorables Députés Mars Di Bartolomeo et Yves Cruchten au sujet de la cohabitation.

[9] Luxemburger Wort du 1er juillet 2020, page 27.

[10] Citation Mischo dans le D’Lëtzebuerger Land en date du 19 juin 2020.

[11] Luxemburger Wort en date du 3 novembre 2017.

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