Au Luxembourg, « 40,2 % des locataires ont des difficultés à terminer les fins de mois »[1]. Une nième statistique qui justifie que l’État, au nom du droit au logement et de la défense des plus démunis, devrait fixer un plafond des loyers.
Dans ce contexte, le 6 octobre 2022, le Ministre du Logement a présenté sa nouvelle réforme de la législation sur le bail à usage d’habitation. Il s’agit d’un projet de loi revu et complété, à la suite d’une première tentative de juillet 2020, qui a nécessité plusieurs adaptations en raison des avis du Conseil d’État, des chambres professionnelles et notamment des commentaires de certains acteurs de la société civile.
Les ajustements adoptés entre juillet 2020 et octobre 2022 comportent un élément clé non négligeable : la révision du plafond des loyers. Ce plafond est réduit de 5 % du capital investi à 3,5 %, voire à 3 % pour les passoires thermiques.
Dans une première phase Monsieur le Ministre, lui-même, promouvait cette réforme en déclarant que les adaptations du plafond des loyers auraient comme effet que « le marché privé de la location sera mieux encadré afin de lutter contre les loyers excessifs », tout en précisant que « l’objectif de cette stratégie est le droit au logement pour tous »[2].
Face à ces belles paroles, même les opposants les plus virulents saluaient ce projet de loi à première vue, en parlant d’une réforme « déi an déi richteg Richtung geet ».[3] Cette première vague d’enthousiasme s’explique surtout par le fait que les amendements choquants ne se trouvent pas au niveau de la réduction du pourcentage – intelligemment mis en vitrine par le Ministre – mais bien au contraire au niveau de la redéfinition du capital investi et des coefficients de réévaluation.
L’ampleur de cette redéfinition n’est devenue évidente, au moins aux signataires de la présente, le 10 octobre 2022, date à laquelle le Ministre a réagi aux commentaires du député Marc LIES (CSV). A ce moment-là, le Ministre a renseigné dans un communiqué que les amendements en question auront comme conséquence dans le cas des appartements plus anciens que le plafond du loyer mensuel pourrait augmenter considérablement.
Les exemples comparatifs inclus dans la note explicative publiée en novembre 2022 par le Ministère du Logement lui-même, illustrent à suffisance le désastre social qui s’annonce, si ce projet de loi entrait en vigueur tel qu’actuellement proposé !
Confronté à la nouvelle que le comité directeur du LSAP refuse d’approuver ce projet de réforme, Monsieur le Ministre s’offense en déclarant à RTL :
« Am Oktober (…) hunn déi dräi Regierungsparteien dës Amendementer am Regierungsrot ugeholl ».
Or, ce consentement donné par les représentants de notre parti lors de la réunion du conseil gouvernemental, est un consentement vicié par un dol politique, provoqué par la communication ambiguë de Monsieur le Ministre, se caractérisant par une mise en vitrine de la baisse du pourcentage et de la dissimulation la redéfinition du capital investit.
À première vue, on pourrait penser qu’il s’agit maintenant du moment idéal pour faire de la politique politicienne en se rejetant la faute mutuellement entre partis politiques. Une approche politique à double tranchant : d’une part, elle offrirait certainement une visibilité médiatique à certains futurs candidats et au Ministre actuel, mais d’autre part, cette approche ne répondrait pas aux besoins de notre société, puisque la conséquence serait la prise en otage des locataires. C’est pourquoi nous sommes parvenus à la conclusion que cela s’apparentait à une politique inique.
Ainsi nous nous permettons uniquement de livrer deux points de réflexions face à la situation actuelle :
Premièrement, ce n’est pas le conseil du gouvernement qui vote les lois, mais bel et bien la Chambre des députés.
Même si, parfois, d’un côté certains honorables Ministres ont tendance à oublier cette évidence démocratique et que de l’autre côté les honorables députés oublient de temps en temps qu’ils font eux aussi partie de la séparation des pouvoirs et qu’ils peuvent par conséquent exercer un pouvoir, la situation actuelle nécessite un retour urgent aux bases démocratiques. Afin de pouvoir sortir de l’impasse politique actuelle, les amendements en question devront être proposés par les députés, notamment aussi par les députés de la majorité politique actuelle.
Deuxièmement, en analysant le projet de réforme, il faut conclure que ce projet tel que proposé par le Ministre, contient tout à fait des points positifs allant dans la bonne direction. Nous pouvons citer à titre d’exemple la limitation de la garantie locative, le partage des commissions d’agence, les précisions concernant la colocation ou encore les « chambres meublées » etc.
Ainsi, selon les signataires une approche efficace et intelligente serait de vider le projet de réforme actuel de toutes les adaptations concernant le plafond du loyer dans le but de trouver un accord politique pour une petite réforme du bail à loyer incluant les points prémentionnés.
Etant donné que les amendements concernant le plafonnement des loyers offensent tant les locataires que les propriétaires, ce sujet devrait être traité dans une commission nationale sous la direction politique de Monsieur le Ministre.
Cette commission rassemblerait les différents stakeholders, à savoir les promoteurs, constructeurs, banquiers, le Mieterschutz, les syndicalistes et les chercheurs et serait chargée d’une mission d’évaluation dont le but serait de savoir à quel niveau se situerait un rendement équitable d’un bien immobilier mise en location. Un rendement équitable non seulement pour le seul propriétaire du bien, mais à l’échelle de l’ensemble de la société. Sur base de ces évaluations un nouveau plafond des loyers pourrait être établi. Cela bien sûr en assurant une transparence au niveau des différents intérêts en cause : toutes les personnes impliquées dans ce processus devraient publiquement déclarer leur patrimoine immobilier et foncier.
Accompagner et supporter une telle approche serait un signe de grandeur et d’intelligence. En cas de succès, ce nouveau plafond des loyers pourrait être un vrai pas vers un réel droit au logement !
Maxime MILTGEN Ben STREFF Max LENERS
Présidente des FS Président du LSAP-Osten Membre du Comité du LSAP
[1] Rapport Travail et cohésion sociale 2022, STATEC, page 130.
[2] Communiqué de presse du Ministère du Logement, 6 octobre 2022.
[3] Ginn d’Ännerungen wäit genuch?, Monica CAMPOSEO, RTL, 6 Octobre 2022.