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Réplique à M. Georges Mischo

Réplique de Claude Roeltgen et Max Leners à M. Georges Mischo suite à son interview à la Radio 100,7 en date du 5 février 2021

« Déi zwee Auteuren wieren senger Meenung no net gutt informéiert. »[1]

Avec ces mots Monsieur Georges Mischo, Bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette, a dénigré notre lettre ouverte du 4 février 2021, adressée au Conseil Communal, dans une interview à la Radio 100,7.

Tout d’abord, M. Mischo a réclamé qu’il y aurait eu un vote unanime en faveur de la version finale du plan d’aménagement général de la Ville d’Esch-sur-Alzette (PAG) au sein des commissions consultatives : « Majoritéit an Oppositioun hunn unanime fir den neien Projet vum PAG gestëmmt »1. Or, comme il a été révélé quelques heures plus tard lors de la séance du Conseil Communal du 5 février 2021,aucun vote n’a eu lieu au sein de ces commissions !

Ironiquement, nous voudrions féliciter M. Mischo pour avoir finalement, après des mois, pris nos critiques au sérieux et pour enfin avoir réalisé – 48 heures avant le vote final – que le fait de préciser le mode d’occupation d’un immeuble dans le cadre d’un PAG n’est pas conforme à la loi.

Selon M. Mischo nous étions mal informés, néanmoins il partage – quelle surprise ! – depuis vendredi dernier, au moins partiellement, l’opinion qui a été la nôtre dès le début de cette affaire.

D’ailleurs, nous n’étions pas les seuls à critiquer dès le début l’approche de M. Mischo. Ainsi, dans une réplique à une question parlementaire en date du 30 juin 2020 des honorables députés Monsieur Cruchten et Monsieur Di Bartolomeo, Madame la Ministre de l’Intérieur et Monsieur le Ministre du Logement ont constaté que : « les contenus tant du PAG que du PAP doivent se limiter à des prescriptions qui ont trait au dimensionnement des constructions et des aménagements ainsi qu’à leur affectation. Les modalités d’occupation d’un immeuble d’habitation ne sont ainsi pas du ressort de ces instruments juridiquesAdmettre le contraire reviendrait dès lors à purement et simplement dénaturer les PAG et PAP»[2].

La fameuse Annexe II de la partie écrite du PAG avec toutes ses définitions ambiguës concernant le mode d’occupation fut donc finalement supprimée en toute dernière minute. Toutefois, nous tenons à signaler que nous n’étions pas « mal informés ». Nous avons rédigé cette lettre ouverte dans la nuit du 3 au 4 février 2021 en nous basant sur les documents publiés sur le site de la commune qui indiquent clairement « vote du 5 février 2021 » et dans lesquelles l’Annexe II est toujours présente. D’ailleurs, les documents susmentionnés n’ont toujours pas été actualisés sur le site ce qui représente, à nos yeux, un défaut majeur en matière de transparence et de participation démocratique.

Toujours dans le même reportage, on entend encore : « Wat d’Konditiounen fir d’Colocatioun ugeet, géif een sech kloer um Gesetzesprojet vum Logementsminister fir d’Wunngemeinschaften orientéieren, seet dozou den Escher CSV-Buergermeeschter Georges Mischo »1.

Si les responsables de la commune ont repris la logique du « bail commun » et de la « responsabilité solidaire des colocataires » dudit projet, force est de constater que les définitions inscrites à l’article 51 de la partie écrite du Plan d’aménagement particulier quartiers existants (PAP QE) ne cessent de rendre la colocation dans une maison unifamiliale de facto impossible.

Nous tenons à re-signaler qu’au vu de la réponse précitée de Madame la Ministre de l’Intérieur et Monsieur le Ministre du Logement, le rôle d’un PAP QE ne consiste pas non plus à fixer, voire limiter le mode d’occupation d’un immeuble.

Cependant, ceci est toujours le cas dans la version votée le 5 février 2021. 

Ainsi, une maison unifamiliale y est définie comme immeuble « affectée au logement d’une seule communauté domestique »[3].Dans le même article, on peut lire qu’une communauté domestique est constituée « d’une seule ou un ensemble de personnes qui vivent dans le cadre d’un foyer commun, dont il faut admettre qu’elles disposent d’un budget commun (…) »[4].[5]

Cependant, contrairement à ce que laisse entendre M. Mischo, dans le projet de loi précité du Ministre du Logement, les auteurs ne font aucun lien entre la colocation d’une maison unifamiliale et les notions de « communauté domestique », voire de « budget commun ». Bien au contraire, dans l’exposé des motifs dudit projet de loi, on peut lire que la promotion de la colocation « répond à une demande croissante de personnes qui désirent vivre ensemble et partager la vie quotidienne dans un logement commun sans former nécessairement une communauté domestique ou une famille au sens traditionnel du terme. » Par la suite, il est précisé que « le concept de colocation est par ailleurs totalement neutre par rapport à des notions urbanistiques telles que « maison unifamiliale » ou « appartement » respectivement des notions de « ménage » ou de « communauté domestique ». Une colocation ne change dès lors pas la nature ou le type du logement, et ne réunit pas automatiquement ses membres dans une même communauté domestique.»[6]

En conclusion, retenons tout d’abord que l’engagement citoyen des derniers mois valait bien le coup !

Le pire du pire, l’obligation d’avoir un lien affectif afin de pouvoir vivre à plusieurs au sein d’une maison unifamiliale à Esch-sur-Alzette a été biffée du PAG.  Bien que nous n’ayons pas encore gagné sur toute la ligne, nous attendons avec une certaine impatience la réaction du Ministère de l’Intérieur face à ce PAG et ses documents apparentés.

Malheureusement, nous avons dû constater que M. Mischo n’accorde souvent pas trop d’importance à la vérité. Ce sont plutôt la discrédition des personnes qui ne partagent pas son opinion ainsi que la mésinformation du publique en général qui sont symboliques de sa manière de faire de la politique.

C’est une pratique répugnante et fortement dangereuse dont nous espérons qu’elle ne fera pas école parmi la classe politique luxembourgeoise.

Cordialement,

Claude Roeltgen et Max Leners


[1]« Panorama » (Radio 100,7, 5 février 2021).
[2] Mars Di Bartolomeo et Yves Cruchten, « Question parlementaire n°2410 du 17 juin 2020 des honorables Députés Yves Cruchten et Mars di Bartolomeo concernant la réglementation de la cohabitation » (2020), p. 1.
[3] Administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette, « Plan d’aménagement particulier quartiers existants – partie écrite (Version Vote 05.02.2021) » (2021), p. 62.
[4] Administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette, « Plan d’aménagement particulier quartiers existants – partie écrite (Version Vote 05.02.2021) » (2021), p. 60.
[5] Notons dans ce contexte que cette définition de communauté domestique à été reprise, selon M. Luc Everling , architecte de la commune d’Esch, de la législation concernant certaines prestiations sociales telles que le REVIS. Or, il est bien connu que cette notion ainsi que celle du “budget commun” sont incohérentes et problématiques depuis des années.
[6] Projet de loi portant modification de la loi modifiée du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation et modifiant certaines disposi- tions du Code civil, doc. parl. n° 7642, p. 4.


Annexe : Les étapes de cette affaire en revue  

8 mars 2019: Premier vote du PAG au Conseil Communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette.

Octobre 2019: la Ville d’Esch-sur-Alzette commence à refuser à des personnes vivant en colocation de s’inscrire sur le registre principal de la population; motif : le nouveau PAG ne permet plus des colocations dans une maison unifamiliale.[1]

Début juin 2020: nous avons été rendus attentifs à cette problématique. Plus que nous avons lu, plus nous sommes devenus conscients qu’en fixant de tels dispositions dans un PAG est un dépassement flagrant des compétences d’une commune – nous établissons cet argument comme notre argument principal, afin de lutter contre cette flagrante injustice !               

15 juin 2020: lettre adressée par nos soins à Monsieur le Bourgmestre, en l’invitant de reconsidérer sa position quant à ce PAG. Cette lettre, envoyée avec AR, a été restée sans réponse[2].               

19 juin 2020: M. Mischo révèle vis-à-vis du « Lëtzebuerger Land » : «(…) dass es ihm darum geht, in Zukunft Bürger mit Kaufkraft nach Esch zu ziehen (…)». Le lien affectif, condition centrale pour pouvoir vivre dans une coloc dans une maison unifamiliale à Esch, M. MISCHO la définit avec les mots suivants: « Wann ee mat engem geet »[3].               

30 juin 2020: Réponse de Madame la Ministre de l’Intérieur et Monsieur le Ministre du Logement à une question parlementaire des députés M. Cruchten et M. Di Bartolomeo : « (…) les contenus tant du PAG que du PAP doivent se limiter à des prescriptions qui ont trait au dimensionnement des constructions et des aménagements ainsi qu’à leur affectation. Les modalités d’occupation d’un immeuble d’habitation ne sont ainsi pas du ressort de ces instruments juridiques. Admettre le contraire reviendrait dès lors à purement et simplement dénaturer les PAG et PAP »[4].               

30 juin 2020: M. Mischo donne une conférence de presse et s’explique : il s’agit de « Unklarheiten »[5], les gens n’auraient pas compris le contenu du PAG, il faudrait les informer d’avantage. M. MISCHO annonce le report du deuxième vote du PAG, prévu initialement pour le 3 juillet 2020 avec le but de recevoir un vote unanime.               

4 juillet 2020: nous publions un article d’opinion au sein du TAGEBLATT[6] pour réfuter l’argumentation de M. Mischo en soulignant qu’il ne s’agit nullement de simples « Unklarheiten » entourant le PAG, mais de sérieux problèmes juridiques.               

29 janvier 2021: nous avons été informés que le PAG aurait été amendé et qu’un deuxième vote serait prévu en date du 5 février 2021. Nous nous procurons les documents officiels via le site officiel de la commune. Nous les analysons, la coloc dans une maison unifamiliale reste de facto impossible.              

4 février 2021: nous adressons une lettre ouverte[7] aux conseillers communaux de la ville d’Esch-sur-Alzette en reprenant les dispositions légales en la matière et en expliquant que ce PAG surpasse largement le cadre légal d’un PAG et les invitons de voter contre ce PAG. Cette lettre nous l’avons rédigée dans la nuit du 3 au 4 février 2021 en nous basons sur les documents publiés sur le site de la commune qui indiquent clairement « vote du 5 février 2021 ».

5 février 2021: Deuxième vote du PAG au Conseil Communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette, le vote passe uniquement avec les voix de la majorité.

[1] Pol Schock, d’Lëtzebuerger Land, 19 juin 2020 page 5.
[2] Voici notre lettre ensemble avec M. Sacha PULLI du 15 juin 2020.
[3] Pol SCHOCK, d’Lëtzebuerger Land, 19 juin 2020 page 5.
[4] Réponse à la question parlementaire n°2410.
[5] Conférence de Presse M. Mischo 30 juin 2020.
[6] Tageblatt du 3 juillet 2020. [7] Voici notre letter ouverte du 4 février 2021.

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